Dans la série des femmes d'exception : Françoise Rosay.

Françoise Baudy de Nalèche, connue sous son nom de théâtre, Françoise Rosay, née le 19 avril 1891, à Paris 9 ème et morte le 8 mars 1974 à l'age de 82 ans à Montgeron est une actrice française dont la carrière cinématographique s'est étendue sur plus de soixante ans, faisant d'elle un personnage légendaire dans le cinéma français.

Célébrée en son temps comme "la grande dame du cinéma français", Françoise Rosay doit son succès à un talent et une autorité naturelle. À ses élèves, elle conseillait : "L'articulation, le mouvement, l'autorité sont indispensables et ne s'improvisent pas."
La résistante Françoise Rosay.

Au début de l'occupation allemande, elle entre dans un réseau de résistance tout en tournant dans quelques films. Fin 1942, lorsque les Allemands envahissent la zone libre, elle manque d'être arrêtée et parvient à s'enfuir en Tunisie et, de là, gagne Alger. Elle séjourna ensuite à Londres, où on la voit dans différentes réunions de soutien à la France libre. Dans le courant de 1943, elle rejoint en Suisse son mari, le cinéaste Jacques Feyder, et donne des cours de théâtre au Conservatoire de Genève.

"Pendant ce temps, la Juive Françoise Rosay parlait au micro de la BBC, nous dit toujours mon journal (numéro du 1er novembre) ; après avoir fait un tableau émouvant des souffrances de la population française, souffrances que d’ailleurs elle ne partage point, elle s’écrie : "Ils vous attendent, venez vite !""
Philippe Henriot, 22 janvier 1940.

En 1939, Françoise Rosay lance un appel aux femmes allemandes.
Pour avoir, par son métier, côtoyé Joseph Goebbels, la célèbre actrice savait plus que quiconque les dangers que représentait le nazisme. Pour s’exprimer, elle choisit la radio comme média. C’était de bonne… guerre (elle avait été déclarée trois semaines plus tôt). Et la RADIO était un média choyé par Goebbels, qui avait bien compris son intérêt en tant qu’instrument au service de la propagande, et fait commercialiser le volksempfänger, vendu au peuple moins cher que ce qu’il coûtait à fabriquer, pour pouvoir propager l’idéologie du III ème Reich. Chaque Allemand, même avec les moyens les plus modestes, pouvait faire l’acquisition de cet engin dont les composants, médiocres, ne lui permettaient pas de capter les stations étrangères.

"Ce soir ce n’est pas une propagandiste indifférente et anonyme qui vous parle, c’est Françoise Rosay, l’actrice française… "La Rosay", comme vous dites… et je m’adresse aux femmes allemandes qui, tant de fois, m’ont manifesté leur sympathie. Sur les écrans de toutes vos villes et de vos villages, j’ai joué pour vous dans votre langue ; des milliers et des milliers d’entre vous se souviennent de mon visage, de mes cheveux blancs, de ma voix ; mes photos sont dans vos maisons. Je serai devant vous, pendant que je vous parle, comme une ancienne connaissance présente, réelle et vivante. Mon émotion est grande, car, ce soir, ce n’est pas l’actrice qui s’adresse à vous, c’est la maman de trois garçons ; l’aîné va partir demain pour le front. Je suis sûre que c’est mon devoir de vous parler cœur à cœur, de femme à femme. J’ai dans les mains des tracts allemands, mettant en garde les Françaises contre leur aveuglement qui les empêche de s’opposer à la guerre actuelle. J’ai entendu à la radio la proclamation anonyme d’une femme qui nous adjure de ne pas soutenir cette guerre qui serait l’œuvre cachée de l’Angleterre. Pauvre femme et piètre exhortation ! Les Françaises ne sont pas aveugles ; elles lisent tous les journaux étrangers ; toutes les stations de radio leur sont permises ; tout ce qui se passe dans le monde leur est connu et leur a toujours été connu. Elles savent la vérité. En France, en Angleterre, chaque enfant sait la vérité. Mais il faut maintenant que vous, femmes allemandes, la sachiez.
Femmes, je vous adjure de réfléchir. Si vos yeux ne sont pas ouverts aujourd’hui, ils s’ouvriront bientôt. Nul ne peut arrêter la vérité. Elle arrivera jusqu’à vous malgré vos forteresses, malgré les murs de vos prisons, malgré les rigueurs de vos censures… Mais alors femmes allemandes, il sera trop tard. Vos fils seront morts, votre patrie morcelée ; il ne vous restera plus, comme en 1918, qu’à pleurer d’humiliation, à regretter votre aveuglement et à vous reprocher jusqu’au tombeau votre asservissement à des époux égarés."
Françoise Rosay, 22 septembre 1939 (extrait).

"Femmes allemandes, je vous plains ; vous avez vécu, vous avez souffert, vous avez mis des enfants au monde en vain… car vous n’avez vécu que pour Hitler, vous souffrez par Hitler, le sort de vos enfants est entre les mains d’Hitler, et Hitler est un fou !"
Françoise Rosay, 29 novembre 1939 (extrait).