Le livre.

Le livre.

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La dernière page était lue, le livre était fini. Il fallait arrêter la course éperdue des yeux et de la voix qui suivait sans bruit, s’arrêtant seulement pour reprendre haleine, dans un soupir profond.
Alors, afin de donner aux tumultes depuis trop longtemps déchaînés en moi pour pouvoir se calmer ainsi d’autres mouvements à diriger, je me levais, je me mettais à marcher de long en large, les yeux encore fixés à quelque point qu’on aurait vainement cherché dans le salon ou dehors, car il n’était situé qu’à une distance d’âme, une de ces distances qui ne se mesurent pas par mètres et par lieues, comme les autres, et qu’il est d’ailleurs impossible de confondre avec elles quand on regarde les yeux «lointains» de ceux qui pensent «à autre chose».
Alors quoi ? Ce livre, ce n’était que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse qu’aux gens de la vie, n’osant pas toujours avouer à quel point on les aimait ; ces gens-là pour qui on avait haleté et sangloté, on ne les verrait plus jamais, on ne saurait plus rien d’eux.
Déjà, depuis quelques pages, l’auteur, dans le cruel « Épilogue», avait eu soin de les «espacer» avec une indifférence incroyable pour qui savait l’intérêt avec lequel il les avait suivis jusque là pas à pas...

* * * *

‎"Tu ne m'échapperas pas, dit le livre. Tu m'ouvres et tu me refermes, et tu te crois dehors, mais tu es incapable de sortir car il n'y a pas de dedans. Tu es d'autant moins libre de t'échapper que le piège est ouvert. Est l'ouverture même. Ce piège, ou cet autre, ou le suivant. Ou cet absence de piège, qui fonctionne plus insidieusement encore, à ton chevet, pour t'empêcher de fuir."