Nous vivons une époque formidable.
- Par LESTEL Christian
- Le 07/05/2014
J'ai le sentiment d'appartenir à un « monde de l'accélération », où tout est allé de plus en plus vite, dans une sorte de course effrénée vers… Mais vers quoi exactement ?
Ce monde, il est vrai, m'a grisé tout un temps, parce que des techniques et technologies nouvelles ne cessaient d'advenir. Je les recevais dans une sorte d'admiration d'enfant béat, presque aussi émerveillé que si le Père Noël de mon enfance avait soudain surgi «pour de vrai» un soir de décembre au milieu du salon.
Il y eut cette soirée où un jeune de mes «appelés», ramena un "walkman", lecteur de CD, cadeau de son père de retour d'un voyage au Japon. C'était totalement nouveau. Exit la minicassette ringarde et son ruban magnétique qui s'entortillait dans le lecteur ! Ce nouveau walkman n'était même pas encore disponible en France ! On était tous ébahis devant ce petit disque qui tournait à grande vitesse à travers un couvercle transparent. En ce temps-là, j'achetais un intégral des «grands compositeurs» en 33 tours... Je n'imaginais pas que le disque vinyle disparaîtrait en quelques années…
Et maintenant… Le CD est complètement dépassé… Vive la musique dématérialisée achetée sur iTunes... Mais qu'il faut encore quand même télécharger… ppppfffff !
Encore une perte de temps de quelques secondes !…
Chacun de nous pourrait multiplier les exemples de ce genre.
Je ne suis pas passéiste ! Loin de là ! Mais cette accélération s'est vécue dans tous les domaines de la société. Partout et en même temps. Elle a imprégné les rapports sociaux à tous les niveaux. Je ne suis pas certain que cela soit véritablement « à la mesure de l'homme », je veux dire que cela puisse vraiment correspondre à la capacité d'absorption des changements par un être humain «normalement constitué».
Voilà que l'être humain «doit s'adapter» à tout cela. Mais, et c'est peut-être le changement fondamental, le temps d'absorption par l'être humain est compressé au maximum. En sorte que, à moins d'être encore très jeune, c'est à dire avoir encore une suffisante plasticité cérébrale pour s'adapter avec grande rapidité, il devient particulièrement délicat, passé la quarantaine, de « suivre les évolutions », notamment dans le monde du travail.
Dans les entreprises, les grandes en particulier, on sait très bien qu'il faut virer les gens au-delà de 40 ans, dès lors qu'ils travaillent dans ce qu'il est convenu d'appeler « la haute technologie », les industries de pointe, etc.
Or, c'est cette industrie-là que l'on veut développer en France. Tout en demandant aux gens de rester au travail jusqu'à 65 ans, et sans doute 70 ans dans les années qui viennent.
Question : pour quel emploi ?
On nous dit qu'il n'y a plus d'argent pour les retraites…
On ne tardera pas à nous dire qu'il n'y a plus d'argent pour le chômage…
Mais bon… Il y a sans doute des solutions à ces problèmes… Ce n'est peut-être pas le plus grave !
Ce qui inquiète le Vieux-schnock que je deviens, c'est peut-être ce qu'il est convenu d'appeler « la révolution informatique ». J'ai cette impression que l'on est qu'au tout début de choses qui ressembleront aux pires scénarios de la science-fiction en ce domaine…
Jusqu'où la machine va-t-elle remplacer l'homme ?
Je me demande s'il ne faut pas répondre : jusqu'au bout !…
Pendant longtemps, les techniques ont eu pour raison d'être essentielle de s'affranchir des efforts physiques demandés à l'homme. Mais la surveillance et le contrôle de la machine demeurait entre les mains de l'homme.
Il n'en est plus ainsi.
D'autres machines contrôlent les machines elles-mêmes. Et donc d'une certaine manière c'est la machine qui commande à l'homme…
- C'est la faute de l'ordinateur, répondait une brave employée, pour justifier une erreur.
- Passez-moi l'ordinateur ai-je répondu, que je m'explique directement avec lui…
Lors d'une démarche administrative pour renouveler un document qui m'avait été délivrée il y a 30 ans… Renouvellement qui devait s'opérer de manière automatique, c'est-à-dire sans que j'ai à justifier quoi que ce soit de nouveau, il m'a été répondu que je « n'existais pas » (c'est sympa !… Non ?…), Parce que cela datait de 30 ans et donc je n'étais pas dans l'ordinateur…
Consultez dans vos archives !, Dis-je naïvement.
Impossible ! Tout doit être dans l'ordinateur ! Pour vous « faire exister » (sic), vous devez refaire tout votre dossier.
La machine n'est plus là pour faciliter et alléger l'effort physique, elle est là pour supprimer tout effort intellectuel et de pensée…
Combien font 3 x 6 ?
Attendez, je vais consulter l'ordinateur…
Cela pourrait être amusant !
Mais quand on regarde l'actualité, que l'on voit comment fonctionnent les bourses mondiales, qui sont en train de chuter vertigineusement, on se prend à penser… (Oui, oui, il y a encore quelques hommes qui pensent !)
Les transactions financières qui jouent sur des milliards de dollars, il s'en effectue des millions par milliseconde…
Ce sont les ordinateurs qui commandent tout !
L'homme, compte tenu de la rapidité de son cerveau, est absolument incapable de savoir quelles sont les transactions qui se sont faites… Cela défile sur l'écran à une telle vitesse… Que c'est totalement illisible par un cerveau humain…
L'homme ne voit que les résultats.
L'écroulement du marché !
La machine a supplanté l'homme !
C'est désormais le programme informatique qui gère tout seul, absolument tout seul, les finances mondiales… On ne sait même pas vraiment comment faire pour débrancher les machines… Parce qu'il n'existe pas une prise de courant mondiale, un interrupteur général mondial… Si on coupe ici… Ça continue ailleurs…
Je m'en fous, me dit un voisin, je n'ai pas d'actions en bourse !
Quelle naïveté ! Ou tu crois qu'il est ton argent que tu as mis sur ton compte de dépôt à la banque, sur ton assurance vie, enfin bref, toutes tes petites économies, quoi… Où tu penses qu'elles sont ? Bien au chaud dans les chaussettes de ton banquier ?
Mais elles sont investies en bourse et sur les marchés financiers ! banane !… Et on nous dit que trois banques sont au bord de l'écroulement…
Et pendant ce temps-là… Les chômeurs… Se dirigent vers "pôle emploi" pour savoir ce qu'il en est de leur dossier…
On leur répond qu'il faut attendre que l'ordinateur les convoque par SMS…
Comme disait, je ne sais plus son nom, il y a quelques années dans sa chronique quotidienne sur France Inter : « Nous vivons une époque moderne » !
03 avril 2012