13 août 1961

13 août 1961 – Qui se souvient encore de cette date ? Et pourtant…

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la division de l'Europe en deux blocs antagonistes apparaît dès 1947, avec la mise en place du «rideau de fer» courant de Lubeck jusqu'en Tchécoslovaquie et au-delà.

Mais c'est à Berlin que se cristallise le refus de l'Ouest d'accepter définitivement la partition de l'Allemagne et de l'Europe. Il n'y aurait jamais eu de mur de Berlin si les Américains et les Anglais n'avaient réagi avec vigueur au blocus de l'ancienne capitale du Reich !

Le Mur avant le Mur

Entrepris le 24 juin 1946 par les Soviétiques qui occupent Berlin-Est, il consiste à couper les communications terrestres entre Berlin-Ouest, réparti en secteurs anglais, américain et français, et l'Allemagne occidentale. La réussite du coup de force que représentait le blocus aurait signifié l'abandon par les alliés occidentaux de Berlin et son occupation par les Soviétiques. Mais, pendant près de onze mois, les Américains et les Anglais organisent un pont aérien pour ravitailler les berlinois de l'Ouest.

Malgré 76 morts et un coût financier considérable pour les Occidentaux, le pont aérien finit par contraindre les Soviétiques à mettre fin au blocus, en avril 1949. La première raison de la construction du mur de Berlin tient donc à la détermination des Occidentaux à ne pas abandonner Berlin-Ouest aux Soviétique. En 1950, le land de Berlin-Ouest est intégré au sein de la nouvelle République fédérale d'Allemagne. Son statut d'enclave occidentale au milieu d'un territoire contrôlé par la RDA est ainsi conforté. L'existence de Berlin-Ouest continue d'être insupportable pour les soviétiques car les Allemands de l'Est y votent chaque jour «avec leurs pieds» en fuyant le régime soviétique. Il devient difficile de contrôler les 500 000 personnes qui traversent chaque jour la ligne de démarcation berlinoise, à pied ou par les réseaux de communication ferroviaire et métropolitain.

Berlin-Ouest est le principal espace de transit des Allemands de l'Est émigrant à l'Ouest. En 1958, déjà plus de trois millions d'allemands de l'Est ont fui pour la RFA. Cette hémorragie humaine prive le pays de main-d'œuvre et montre à la face du monde la faible adhésion à la soviétisation de l'Allemagne de l'Est.

L'URSS tente un nouveau coup le 27 novembre 1958 en lançant un ultimatum exigeant le départ des troupes occidentales dans les six mois pour faire de Berlin une «ville libre» démilitarisée. Les alliés occidentaux refusent. En 1961, les Soviétiques prennent donc la décision de faire supprimer par la RDA la ligne de démarcation berlinoise en construisant un mur, qui deviendra «le mur de la honte». Cette construction commence les 12 et 13 juin 1961 avec la pose de grillages et de barbelés autour de Berlin-Ouest. Puis les Soviétiques choisissent une date idéale pour faire exécuter leur œuvre : le 13 août 1961, soit en plein pont estival pendant lequel nombre de chefs d'État occidentaux sont en vacances.

La RDA annonce avoir l'agrément du pacte de Varsovie et présente la construction un « mur de protection antifasciste ». Des unités armées de la RDA encerclent-elles Berlin-Ouest de façon hermétique et la construction du mur se réalise dans un temps record, ce qui signifie qu'il est le fruit d'une préparation longue et minutieuse.

Le mur est plus qu'un mur

Le mur est bordé de mines anti-personnelles, de pièges pour tanks, de barrières d'alarme... Au mur de 3,5 m de hauteur courant sur 155 km autour de Berlin-Ouest s'ajoutent ensuite les «murs» créés par la fermeture des réseaux de communication ferroviaire et métropolitain entre Berlin-Ouest et Berlin-Est.

Sur les 81 points de passage existant avant août 1961, 69 sont fermés dès le 13 août, par des barbelés et des murs de briques. Pour les visiteurs étrangers est assigné un point de passage unique situé dans Friedrich Strasse (Chekpoint Charlie), ouvert jour et nuit. Les échanges économiques cessent entre les deux Berlin : 63 000 berlinois de l'Est perdent leur emploi à l'Ouest, et 10 000 de l'Ouest perdent leur emploi à Berlin-Est.

Pour faire face à cette nouvelle situation, de nombreux grands équipements concernant la culture (opéras), l'éducation (universités), les sciences (parcs zoologiques) sont dédoublés.

Les «passe muraille»

L'appel de la liberté reste constant tout au long des 28 ans de l'histoire du mur. Des milliers d'Allemands de l'Est tentent de le franchir au péril de leur vie. Au total, d'août 1961 au 8 mars 1989, 5 075 personnes réussissent à s'évader de l'Est pour Berlin-Ouest par divers moyens : escalade, mais aussi souterrains, voitures spécialement transformées, fuites à la nage sur la Spree... 588 personnes périssent dans cette tentative.

Le mur après le mur

En 1989, le gouvernement de la RDA ne parvient plus à enrayer l'émigration car celle-ci utilise un nouvel espace de transit, la Tchécoslovaquie, qui finit, sous la contrainte des milliers de voitures fuyant l'Est, par ouvrir ses frontières avec l'Autriche. Aussi le 9 novembre 1989, Günter Schabowski, membre du bureau politique, annonce-t-il la décision du gouvernement de RDA d'autoriser «les voyages privés à destination de l'étranger [...] sans aucune condition particulière».

Quelques heures plus tard seulement, les douaniers de Berlin ne parviennent plus à faire face à la demande et ne peuvent faire autrement de que de laisser simplement passer. Le mur est vaincu.
Puis, fin 1989 et en 1990, le mur est démantelé à raison de 100 mètres en moyenne par nuit, avant l'organisation d'une démolition officielle qui se termine fin 1991. Six pans de mur sont conservés pour mémoire.

Toutefois, le mur demeure une cicatrice économique et humaine. Avant la guerre, Berlin était le plus gros et le plus innovant pôle économique et surtout industriel d'Allemagne. Puis Berlin-Ouest, en raison de son statut d'exception s'est retrouvé écartée de tous les secteurs d'entreprise innovants. À Berlin-Est, le système d'économie planifié socialiste, avec des entreprises étatisées et une organisation en grosses entreprises, entraîne déficience dans l'organisation et la rentabilité de l'économie.

Depuis 1990, Berlin, redevenu capitale allemande au détriment de Bonn, bénéficie de l'apport croissant d'administrations politiques nationales, de l'implantation d'institutions diverses, de l'installation de marques connues et surtout d'un essor touristique. Berlin a retrouvé ses «Champs Élysées», avec l'avenue Unter den Linden (sous les tilleuls), artère Ouest-Est allant de la porte de Brandebourg jusqu'à la place du château (détruit et en voie de reconstruction).

Les murs fort heureusement ne servent plus à rien, si ce n'est que de séparer les hommes. Pourtant l'homme continue à élever des murs, pour scinder des jardins, séparer deux maisons, partager deux pays...

Combien faudra-t-il encore de victimes innocentes pour qu'enfin les hommes puissent se parler sans avoir à élever des murs ?

LC