Il n'y a plus de pub sur la télé...

19 juin 2009

Il n'y a plus de pub sur la télé...

Il paraît qu'il n'y a plus de publicité, à partir de 20h30 sur les chaines françaises. Chouette alors, car ici sur les chaines allemandes, la pub ne manque pas.

En un sens, c'est vrai, il n'y a plus le logo et le « jingle » qui nous avertissaient qu'on allait voir de la pub. Moyennant quoi il y a pire que la pub... Des pubs déguisées qui se font passer pour autre chose que la pub... Elles font regretter les vraies de vraies pubs, tellement elles sont nulles et faux cul. Car, si la pub, la vraie, est supprimée, le sponsoring, lui, est non seulement autorisé, mais encouragé.

Bon, je passe sur la météo, sponsorisée par la petite camionnette jaune et bleu, vous savez, D.... . Au moins, la météo, on sait ce que c'est. C'est la météo. Soit le temps qu'il va faire dans les cinq jours avec plus où moins de réussite. Il n'y a ni entourloupe, ni tour de passe-passe. D...., on s'en moque. Ce qu'on attend, c'est le temps. Et on l'a. (J'adore la météo : c'est le programme le plus utile, le plus service public de toute la télévision).

Ce qui m'énerve le plus, ce sont ces prétendus mini programmes d'information (voire de sensibilisation) sur ceci ou cela qui ne servent qu'à fourguer le nom du sponsor. Ils sont d'une bêtise stratosphérique. Par exemple, des pseudo-interviews de sportifs qui expliquent, en quinze secondes, ce que ça veut dire, pour eux, gagner.

Déjà, vous en conviendrez aisément,  un sportif interviewé à la télé, la plupart du temps, c'est consternant de langue de bois. A ce demander pourquoi on s'obstine à leur poser des questions, vu qu'on sait à l'avance ce qu'ils vont répondre, rien ! Mais là, dans cette prétendue minisérie, c'est du rien à prétention philosophique. Ils sont censés nous révéler, en exclusivité, le comment du pourquoi du sens caché de la performance, comme quoi ce qui est formidable, quand on gagne, c'est qu'on gagne. Le plus effrayant, c'est d'imaginer le tournage de ces saynètes. Si ça se trouve, ça prend des heures, voire des jours, pour mettre en boite ces sommets du gnangnan, avec  le journaliste, hors champ, qui essaye de faire accoucher le sportif  d'une lapalissade en béton armé. Rien que d'y penser, ça me donne envie de me cacher sous ma couette et de dormir jusqu'à la fin du monde, tellement c'est déprimant.

Sinon, il y a aussi la série qui s'appelle « les héros de la biodiversité » ou quelque chose dans ce goût-là.  On voit un type au bord de la mer ou au fond de l'eau, qui ramasse des algues ou qui compte les thons. Et on entend la voix, mourante, crépusculaire, d'Allain Bougrain Dubourg faire un sermon comme quoi c'est un héro. Comme quoi, chapeau bas, messieurs ! A dégouter de faire quoi que ce soit pour préserver la biodiversité de quoi que ce soit. Le pire, c'est le générique qui défile juste après ce concentré de néant. Quand on voit le nombre de gens qui s'y sont mis, toute cette énergie qu'il a fallu mobiliser pour aboutir à un truc si tarte, ça donne le vertige. Sans blague : le générique dure plus longtemps que le programme lui-même. Surtout qu'avant on a déjà eu droit au spot de pub du sponsor (ou des sponsors), comme quoi cette belle leçon de civisme nous est généreusement offerte par Duchmol et Chmoldu. On nous prend pour qui, franchement ? On croit vraiment qu'on va gober cette daube ? Qu'on va prendre ça pour une véritable émission de télévision ?

Je ne discuterai pas de cette minisérie qui vous montre quoi faire de votre grenier ou mieux encore de votre maison, mais j'irai directement au pompon dans le genre. Je me demande si ce n'est pas cette série qui s'appelle « partir » et qui doit être déjà à sa deuxième ou troisième, rediffusion. Je vous explique le concept : après la pub du sponsor, un people (généralement un has been ou un second couteau, les autres doivent être trop chers) donc le people nous raconte un souvenir de voyage à forte teneur en humanisme, qui exprime la quintessence de ce que signifie pour lui le mot « partir ». Le people en question, nous dit, d'un air pénétré, des choses définitives du genre : un jour, je suis allé au Sénégal, j'ai vu sur une plage une petite fille très pauvre qui m'a fait un grand sourire, alors pour moi partir, c'est un sourire. Ou bien : j'ai donné plein de jouets à des miséreux en Thaïlande, pour moi, partir, c'est donner.

A chaque fois, je m'en veux de regarder ça, tellement ça dégouline de bonne conscience, tellement c'est poisseux, visqueux. La pub s'avançant masquée sous les oripeaux de la charité, c'est dégradant. Et c'est pour ça qu'on a supprimé la pub, la vraie de vraie pub ? Pour nous refourguer en contrepartie cette pub honteuse qui nous fait la morale ?

Ah, pauvres de nous ! Il faut voir comment on nous parle... Exactement : dis-moi comment tu nous parles, je te dirai qui tu es. Hypocrite ! Cachez cette pub que je ne saurais voir ! Libérons le service public de l'esclavage des marchands de soupe ! Ouvrons la voie à une grande et belle politique de civilisation ! car, on l'a peut-être oublié, c'est le même jour, dans le même discours, que le Monarque Président annonçait la suppression de la pub et le lancement de sa politique de civilisation. Moyennant quoi, ces mêmes marchands de soupe nous gavent de leur philosophie de comptoir, de leur écologie de Prisunic, de leur charité de tour-operator. Mais ce n'est pas de la pub ! Pas du tout ! C'est de la citoyenneté ! Ah, les faux culs, qui gagnent sur tous les tableaux, le beurre et l'argent du beurre, et par ici la monnaie. Oui, il faut voir comme on nous parle. Ça porte un nom cette façon de s'adresser ainsi, le mépris. Ça s'appelle nous prendre pour des gogos.

Et puis zut, je ne sais pas pourquoi je m'énerve comme ça, franchement si les citoyens français acceptent d'être traité ainsi, je n'ai qu'à retourner sur la ZDF, ARD ou une des 400 chaines dont je dispose ici, après tout... C'est juste qu'il y a un moment où on n'en veut plus, où on n'en peut plus parce que le Français (même expatrié) vaut mieux que ça tout de même. Parce qu'on n'a pas mérité ça. Ai-je tort ?

CL