Mais comment font-ils ?

Mais comment font-ils ?

Oui, comment font-ils pour sourire autant ? Je parle des hommes politiques, bien sûr. Et des femmes politiques, bien entendu. Entre parenthèse, ça devient un vrai casse-tête, cette histoire. Vous avez remarqué ? On ne peut plus écrire un mot au masculin sans mettre aussitôt un (e) juste après. Exemples : candidat (e), prétendant (e), désigné (e), élu (e), président (e), idi... ( ?)...Avant tout le monde s'en foutait. Maintenant tout le monde fait gaffe. Je ne dis pas que je suis contre, ouh là ! Disons juste qu'à la lecture ça devient un parfois un peu comique. Vous avez des textes, des articles, il y a des (e) toutes les lignes. On marche littéralement sur les (e). Et sur les œufs. Bref. Revenons aux sourires. Comment font-ils (elles) ? Voyez, moi aussi je sais le faire.
Déjà, il y a les poignées de main. Il faudra un jour demander à la main droite de Nicolas d'écrire ses mémoires. Elle en aurait, des choses à dire. Touchée, serrée, empoignée, secouée, triturée, malaxée, caressée (je me fourvoie ! je pensais à Carla) à longueur de journées (non, pas Carla, suivez s'il vous plait, c'est déjà assez compliqué comme ça, la main droite de Nicolas).
Dans quel état elle doit être, le soir, (cette fois arrêtez, pas Carla, la main) ! Il doit la plonger dans la glace pendant au moins une heure ( ???...), Nicolas, pour qu'elle retrouve forme humaine (je parle toujours de la main...). Je me demande s'ils ont des kinés exprès pour ça, les hommes politiques (et les femmes aussi, c'est la dernière fois que je le précise...). Est-ce qu'on leur apprend à serrer les mains d'une façon particulière, est-ce qu'il y a un truc que nous ignorons, nous autres, simples serreurs amateurs. Est-ce qu'il y a des tests de serrage de mains, avant de se lancer dans le métier ? En plus, avec l'âge, les rhumatismes, l'arthrose, l'ostéoporose, la ménopause ( ?), enfin tout ça, ça ne doit arranger les choses. Bonjour, les fractures...
Mais revenons aux sourires. Dès qu'on les voit à la télé, hop, sourire. Ce qui veut dire que dès qu'ils voient une caméra, hop, sourire. C'est comme un déclencheur automatique. Un réflexe pavlovien : caméra = sourire. D'accord, ça fait partie de leur job, de sourire à tout-va, comme de serrer les mains, mais ça ne doit pas être facile tous les jours. Franchement, il y a des moments où on ne doit pas avoir envie de sourire, mais alors pas du tout. Les vacheries des soi-disant copains, les critiques de la presse (quoi que là, pour Nicolas, j'exagère, elles lui sont toujours favorables, une histoire de copinage avec les patrons de presse...), les sondages qui ne bougent pas, les sifflets de la salle, les discours soporifiques et interminables (ceux des autres, naturellement) : toute personne normalement constituée (vous, moi) ferait la tronche. Eux, non. Un grand sourire, d'une oreille à l'autre. C'est bon pour l'image, à ce qui paraît. Ça les rend sympathiques, aimables, gentils, désirables, attirants, séduisants. C'est censé donner envie de voter pour eux. Comme quoi ils sont drôlement contents d'être heureux, rien que pour nos yeux.
Bien entendu, la reine du sourire, c'est Ségolène. Elle les écrase tous, sous le rapport du sourire. Elle, c'est bien simple, je ne sais pas comment elle fait, elle sourit comme elle respire. Pour les caméras, tout du moins. Parce qu'il paraît qu'au naturel elle est plutôt du genre pète-sec. Il paraît... Mais, à l'image, elle est plus que radieuse, elle irradie, elle est carrément radioactive. Elle sourit en parlant, c'est ça le plus fort. Essayez, vous verrez, ce n'est pas si facile que ça. Bon, trente secondes, d'accord, on le fait tous. Mais cinq, dix minutes d'affilée, ne pas arrêter de sourire tout en parlant de ceci ou de cela, c'est quasiment surnaturel. C'est parce que c'est une star. Et c'est bien le problème des autres : qu'est-ce qu'on peut faire contre une star qui sourit tout le temps ? Rien. Elle me fait penser à Chirac. Une star, lui aussi. Qui souriait tout le temps même parfois à mauvais escient...
Dans un tout autre registre, vous avez Michèle. J'ai bien dit : dans un tout autre genre. Elle aussi, elle sourit. En bon petit soldat, elle a bien appris la leçon : caméra = sourire. Le problème, c'est qu'on entend le déclic du bouton, les engrenages du mécanisme. Et qu'on voit distinctement les deux élastiques qui lui coincent le sourire derrière les deux oreilles. Ça doit lui faire un mal de chien aux zygomatiques, elle ferait presque pitié. Un petit conseil Michèle : fais-toi plaisir, laisse tomber le sourire. Le sourire n'est pas obligatoire. Surtout le sourire qui fait peur aux petits enfants.
Tenez, prenez Martine, par exemple. Est-ce qu'elle se soucie de sourire ? Pas le moins du monde. Elle fait la gueule, caméra ou pas. Comme elle engueule tout le monde, elle est parfaitement raccord. Engueuler avec le sourire, ça fait pervers. Alors que là, on s'habitue, on se dit « c'est Martine », et puis voilà. Bon, ça ne la rend peut-être pas follement sympathique, mais au moins elle est nature. On se dit : celle-là, elle ne fait pas de cinéma, elle ne joue pas les enjôleuses, elle ne drague pas. Elle est Martine, point final. Cela dit, un petit sourire de temps en temps, comme ça, en passant, ce ne serait pas non plus totalement rédhibitoire, voyez.
Sinon, il y a l'austère qui se marre. Lui, c'est un cas. Déjà, avoir eu l'idée de dire ça : je suis un austère qui se marre. Gêne dans l'assistance, raclement de gorge, toux discrètes, regards vers les chaussures. Oui, tu disais, Lionel ? Il était peut-être marrant, Lionel, mais il le cachait drôlement bien. En réalité, il est comme Nicolas, il ne sait pas y faire avec les caméras. Austères, ils sont, austères ils resteront. Et le paradoxe, c'est que c'est comme ça que les gens les aime ou du moins les aimait. Honnêtes, sérieux, sincères, pédagogues. Pas marrants du tout. Pas souriants. Et très populaires. Eh oui, ils ont été les rois des sondages, à une époque. Incroyable, non ? Faut croire qu'on avait envie de ça, besoin de ça : des hommes politiques qui refusent la frime, le jeu de la séduction, la démagogie.
Et voilà. Le temps passe. Les temps changent. Ségolène sourit toujours et Nicolas a chassé le naturel...
Mais je pense tout de même à Allison. Pourquoi, me direz-vous ? Je n'ose imaginer le sourire qu'elle va afficher, face à ses invités, son arrosoir transformé en pot de fleur dans la main.
Et ça change tout...

 

LC