Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende.

Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende.

Certains parmi vous se demandent sans doute déjà quel peut bien être le rapport entre nos dirigeants, ce qu'ils incarnent, ce qu'ils représentent et cette équipe de France pathétique d'ores et déjà éliminée de la Coupe du monde.

Pourtant, c'est évident. Il y a tant et tant de valeurs partagées. Il est même plus qu'aisé d'en dresser la liste, comme ça, au débotté. L'arrogance qui le dispute à la suffisance, le "bling-bling" qui est présenté comme l'accomplissement d'une vie d'Homme, les « Zahia » qui se succèdent dans les coulisses, l'argent qui est érigé en mètre étalon des valeurs humaines, l'intolérance qui est déployée par les sots contre les présumés faibles, la bêtise qui supplante l'intelligence dans le choix des hommes, l'incompétence qui est promue au rang de vertu suprême, les récompenses qui ne sont accordées qu'aux médiocres, les traîtres qui accèdent aux grades les plus élevés, l'irresponsabilité qui est accordée aux promoteurs de tous les échecs programmés, etc. Confondant non?

Aujourd'hui, après sa défaite contre le Mexique, l'équipe de France, déjà peu populaire, est l'objet de critiques que l'on ne peut que partager. La détestation est vive, le rejet vivace. Et qu'on le veuille ou non, le football est aujourd'hui un élément majeur de la vie publique, comme l'écho de ce qu'est la société française, mais aussi, à rebours, comme l'écho de ce que rêverait d'être la société française.

La part du mythe n'est plus à démontrer dans la manière dont fut vécue la victoire française en Coupe du monde 98. Oui, la France a rêvé d'être à l'image de cette équipe, black-blanc-beur. On était loin du rêve à la réalité, mais au moins, ce rêve existait. Une ferveur populaire et partagée berçait la France d'une douce euphorie. C'était un de ces moments où les Français avaient envie de se dire que l'on peut surmonter les différences, le poids de l'Histoire, les clivages sociaux. Le temps de la cohabitation s'y prêtait aussi. Et les médias français de l'époque, miroirs des temps, optèrent naturellement pour la morale du film « L'Homme qui tua Liberty Valance » : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ». Malheureusement, certains mauvais esprits entreprirent aussitôt de démolir le mythe. Oui, la France Black-blanc-beur était un mythe, mais c'était un mythe qu'il fallait continuer d'entretenir au lieu de le moquer comme on l'a fait, car il est de ces mythes sur lesquels on bâtit des Nations.

Aujourd'hui, la défaite de cette équipe de nombrils autoproclamés maîtres du monde, de Ribéry à Anelka en passant par Abidal ou Gallas, sauveurs du football français, est comme l'écho de la défaite symbolique du pouvoir dont l'emblématique héros n'hésite jamais, comme Domenech, à proclamer qu'il peut régler les problèmes du pays, de l'Europe et du monde, alors qu'il est démenti par ses propres résultats. Cette équipe est à l'image du climat national tel qu'il est perceptible après trois ans de ce pouvoir là et de cela, en football comme en politique, les Français ne veulent plus.

Cette équipe de France, ce qu'elle incarne, ce qu'elle porte en elle, est le tragique reflet de l'équipe au pouvoir. Les deux organismes se ressemblent tant que c'en est même désespérant.

Le terrible destin de Gourcuff en est la triste preuve. Le joyau du football français, son avenir, son espoir, a été la cible d'un complot fomenté par Ribéry, Anelka, Abidal et quelque autres. Selon les premiers éléments dont on dispose, cette mise à l'écart, cette exclusion, cette reconduction à la frontière de l'équipe de France ont été causées par ce qui apparaît, aux yeux de toute personne dotée d'une soupçon de bon sens comme des qualités. Le physique, l'intelligence, le talent, la culture, la politesse, l'élégance... Cette diversité là n'a pas été du goût de tout le monde au sein de l'équipe de France. Résultat: rejet, exclusion, intolérance se sont manifestées contre Gourcuff, de la même façon que le pouvoir triomphant entend imposer le même rejet, la même exclusion, la même intolérance à tous les êtres humains qu’il juge différents, et ce, au nom de l'identité nationale. En équipe de France on parle de « l'identité du groupe », mais c'est la même mécanique qui est à l'œuvre. La peur de l'autre déclenche toujours la logique du bouc émissaire.

Le parallèle est osé, j'en conviens. J'ai la faiblesse de le trouver pertinent, d'autant qu'il est riche d'enseignements pour tous les hommes doués de raison voulant faire de tout obstacle une matière de leur travail (Cf Marc-Aurèle). Et d'une, un groupe humain dont le moteur est la peur de l'autre, le rejet de la différence, ça ne marche pas. Et de deux, vu l'opprobre dont cette équipe nationale est l'objet, le peuple de ce pays semble encore avoir une certaine idée de la France.

En ce mois juin, ça ne pouvait pas mieux tomber. Après tout, quoi de plus mythique que de célébrer un appel fondateur que personne n'entendit en son temps. "Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende". La leçon est là: en football comme ailleurs, ce sont les mythes qui font se lever les peuples libres.

 

LC