Sidéré et dévasté…

Nous sommes perdus. Nous ne savons plus. Déjà, qu’on doutait… Vers qui se tourner ? Que faire ? Et pour quoi ? Les évènements, majeurs ou pas, s’accélèrent. Il faudrait se pencher, revoir, les autres années, a-t-on déjà vu et subi autant en si peu de temps ? La sidération, ça n’est pas uniquement DSK, c’est un enchaînement d’évènements. Et nous voici spectateurs, impuissants, comme rarement nous l’avons été.

Est-il besoin de dresser la liste ? De tout ce qui s’est produit depuis – disons – ces dix dernières années – mettons depuis le 11-septembre – avec cette sensation étrange, désagréable, d’un inéluctable. Que ça va mal. Qu’on y va tout droit.

Est-ce la prolifération des moyens, ceux de s’informer, qui fait que, nous avons cette sensation-là, je veux dire est-ce seulement un « sentiment que » ou est-ce la « réalité » ?

Faut-il décrocher, moins consommer de – ce que l’on nomme – hardnews. Se tenir un peu plus à l’écart. Est-il possible, aujourd’hui, de penser sereinement et de recevoir des informations tout aussi sereinement ? S’en donner le temps.

Ce terme « sidérant » que l’on a entendu à propos de « l’affaire DSK » est sans doute le plus signifiant, entendu jusqu’ici. Tant il pourrait s’appliquer à bien d’autres évènements, comme ceux, déjà lointains du 11-septembre, du 21-avril, des « émeutes en banlieues », et plus proches de nous, aux divers tremblements de terre ou tsunamis, à Gaza, à Fukushima, aux printemps arabes, à cette «justice [qui] est faite », à DSK, etc.

Il décrit un état, le nôtre... Nous sommes, effectivement, sidérés... On voudrait, aimerait, souhaiterait que ça cesse… En l’occurrence, l’incroyable couverture médiatique d’un mariage princier (couverture justifiée par le fait que « 2 milliards d’êtres humains » étaient censés le suivre, notamment via l’outil télévisuel) constitue une tentative par le média moins de nous divertir (encore que, il y a manifestement, ici, un but : « faire diversion ») que de nous soulager. Nous offrir un répit. Alors que, objectivement, nous n’en avons pas grand-chose à faire, ni à en tirer. C’est juste une image. Mais tout, désormais, est image…

Un mariage, une béatification, et boum ! une exécution (Ben Laden). Et tout reprend. Recommence. Machine infernale. En flux tendu. Images en boucle. Sidération again.

Alors, comme le titrait Libé, on se demande, non pas : « A qui le tour ? » mais : « quelle est la sidération suivante ? ».

Soit : qu’est-ce qui va encore nous tomber dessus, même à des milliers de kilomètres, peu importe, c’est bien sur nous que ça tombe. Et ça finit, par accumulation, de nous broyer. Littéralement.

L’autre terme qui surgit, en creux, c’est « dévasté ».

Nous sommes dévastés, avec cette sensation que tout s’écroule et que nous n’y pouvons rien. J’entends par « tout s’écroule », nos illusions, nos rêves, nos espoirs.

Pour certains, ces illusions, rêves et espoirs, s’étaient portés sur un homme. A tort ou à raison, là n’est pas la question… Il est à ce propos, intéressant de noter, qu’une bonne partie de ceux qui ne l’appréciaient pas, pour diverses raisons, principalement politiques, idéologiques, ceux-là aussi ont été sidérés, sont même « tombés en empathie ». Justement, parce qu’il représentait un espoir pour les autres (et les médias).

Quoi qu’ait fait cet homme, ou pas fait, innocent ou coupable, peu importe au fond, nous voilà perdus. Vers qui se tourner ? Que faire ? Et pour quoi ? Comment « sortir de là » ?

Les éditocrates, les journalistes, les observateurs, nous disent que « les cartes sont rebattues ». Mais de quelles cartes parlent-ils ? Qui dit cartes, dit jeu (ou stratégie). Jeu politique, en vérité. Mais en quoi cela nous concerne-t-il ? Ce que nous attendons, ce sont des perspectives, des idées, des projets. Un espoir. Qui les porte ? Est-ce les Espagnols, Puerta Del Sol ? Est-ce eux qui, par leur volonté, leur détermination, vont nous sortir de cet état, celui de sidération ?

Parce que, si en France (qui, comme la plupart des pays du monde, connaît une crise sans précédent) on n’observe aucun mouvement, pas la moindre manifestation d’envergure (comme celles de 1995), c’est aussi parce que nous sommes, depuis lustres, sidérés.

Bien sûr, il y a d’autres explications : le fait que « la crise » n’ait pas touché la majorité des Français. Sinon, et principalement, les plus vulnérables. D’autres aussi ont été touchés, mais pas en assez grande quantité pour déclencher un vaste mouvement ; ces autres qui, de surcroît, bon an, mal an, parviennent, péniblement, à s’en tirer (et n’ont d’autres soucis que de protéger le peu qui leur reste : emploi, toit, etc.). Et s’ils s’en tirent, c’est notamment grâce à notre système de protection sociale, sans lequel, nous vivrions aujourd’hui, ce que vivent les Espagnols, les Grecs, les Irlandais, les Portugais, etc.

Mais on ne peut faire fi de l’état de sidération. C’est une clé importante. Elle prend sa source le 11-septembre (évènement mondial) se poursuit le 21-avril (évènement local) et depuis, c’est non-stop ; ou du moins, avons-nous cette impression.

Et « la chute de DSK », avec cette avalanche d’images, images d’un français, un des « nôtres » (nous sommes donc, quoi qu’on en dise, touchés dans notre chair, humiliés, terrassés) et puissant de par sa fonction, valorisante (quoi qu’on en dise, là encore) pour la France, pour « nous », nous enfonce un peu plus dans cet état de sidération. La paralysie. C’en est trop !

Cet état-là, de sidération (quasi) permanente, nous a amené à croire en « l’homme providentiel ». D’autant plus que les médias, dans leur grande majorité, ont contribué à nous le présenter comme tel. Une évidence.

Nous n’avons pas mis, plus que cela, en question cette évidence. Parce que, justement, elle nous apparaissait comme une « porte de sortie » (et non, Del Sol). Je veux dire par là, qu’avec cette porte, nous pensions que nous sortirions de cet état de sidération. Nous irions mieux. Et n’avait que peu d’importance, au fond, le projet que cet homme portait.

Cette « chute » incroyable, cet évènement que, donc, on a qualifié de « sidérant », est en réalité plus que cela. Nous sommes passés au-delà de la sidération. Etant donné que nous étions déjà en cet état. C’est en ce sens que je dis que nous sommes perdus. Complètement paumés. Dévastés. Car, passée la sidération, que peut-on espérer ? Qu’y a-t-il après ? Une Puerta Del Sol française ? La résignation par les urnes ?

Ou alors, le déclin.

Oui, n’est-ce pas plutôt le déclin qui nous guette et que nous sentons venir ? Passée la sidération…

 

LC